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8 avril 2012

Journey

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L’émotion. La vraie. Voilà ce que réussit inlassablement à toucher Jenova Chen, le génial créateur de Flower et Journey. Autant être clair : si vous vous intéressez un minimum au jeu vidéo, et que vous avez une PS3, vous devez jouer à Journey. Vous devez le faire. Et dans la mesure du possible, le faire en restant vierge de toute information, de toute idée préétablie, de toute envie ou de toute crainte. Journey, comme son nom l’indique, se doit d’être découvert par le joueur, et lui seul.

Alors oui, certains arguent que 13 euros pour une durée de vie d’à peu près trois heures, c’est un peu cher. Rien qu’en sachant ça, finalement, on est déjà dans un rapport biaisé à l’œuvre. Faites-moi confiance, il faut y jouer. Et après, on verra bien si cet argument semble encore tenir. Sincèrement, je sais bien que nous sommes en temps de crise, que l’argent ne tombe pas du ciel, et je peux comprendre que l’on raisonne sa consommation de loisirs sur un rapport qualité / prix. Mais justement. 13 euros, c’est finalement le prix d’un DVD, ou d’une place de ciné en région parisienne. Pour un temps d’expérience finalement similaire à celui du cinéma. Pour moi, Jenova Chen révolutionne ici la façon dont justement on pense "consommer" le jeu vidéo, tout spécialement le jeu vidéo à caractère narratif (on ne parle donc pas ici, par exemple, des jeux de baston). Pourquoi, ô grand pourquoi, est-ce qu’un "jeu de rôle" devrait coûter 70 euros et me forcer à rester plus de 50 heures dans la même histoire ? Tout le monde n’a pas forcément le luxe de pouvoir s’adonner autant de temps à ce loisir, quand bien même il serait une passion. Personnellement, j’ai mis plus de deux ans à finir Final Fantasy XIII (environ 60 heures de jeu, réparties où je pouvais, sur quelques jours de vacances par ci par là) pour une impression finale des plus mitigées. A vous dégouter presque des jeux vidéo (on en reparlera). Et Journey, en seulement trois petites heures, de me faire vivre des émotions depuis longtemps oubliées… On lâche la manette complètement bouleversé, émerveillé, les larmes aux yeux, la respiration haletante, presque en transe devant cet écran titre qui se relance doucement… Wow. Sans aucun doute l’une des plus fortes expériences vidéoludiques (si ce n’est la plus forte) que j’ai jamais vécu.

Alors si vous avez la chance d’avoir une PS3, courez télécharger Journey. Revendez des jeux auxquels vous ne jouez plus, qu’importe, procurez-vous ces fichus 13 euros et achetez ce jeu. Bloquez-vous trois heures sans personne pour vous déranger, débranchez le téléphone, fermez les fenêtres. Et entamez votre voyage… L’un des plus beaux jamais racontés.

 

 

 

Analyse – "beware !" – 100% SPOIL -  à ne lire qu’une fois le jeu terminé !




Maintenant qu’on est entre connaisseurs, par où commencer pour évoquer toute la maestria de ce véritable chef d’œuvre ? Sans doute faudrait-il s’intéresser tout d’abord à cet incroyable talent de conteur qui caractérise Jenova Chen, une qualité qui émergeait déjà du merveilleux Flower.

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Flower, ou quand la poésie s'empare du jeu vidéo.

Car oui, il y a avait bien un "scénario" dans Flower, et j’en étais d’ailleurs le premier surpris. Partant de ce qui semblait alors être un simple (mais magnifique) concept de démo technique - diriger un pétale de fleur en bougeant naturellement sa manette – Chen avait réussi à nous raconter une véritable histoire, et ce sans le moindre besoin de mots. Les images, la musique, même l’écran de "sélection de niveaux", absolument tous les éléments du jeu participaient à élaborer cette belle histoire d'une fleur qui se serait mise à rêver... Incroyable surprise du joueur qui voyait alors le songe virer peu à peu au cauchemar, se retrouvant presque à avoir aussi peur que dans un Silent Hill ! La comparaison peut sembler maladroite, mais oui, je le dis sans honte, Flower m’a fait peur. Pourquoi ? Tout simplement parce qu’il n’était pas sensé le faire : lorsqu’on joue à ce jeu, on s’attend juste à bouger son pétale au gré du vent, dans une ambiance aussi bucolique que poétique… Or, l’irruption des ténèbres dans un jeu qui se prêtait à tout sauf à ça créé un sentiment de surprise chez le joueur, mais aussi de profond malaise…

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Un monde refermé sur soi, où l'autre n'est qu'une ombre...

Le rapport avec Journey ? Si vous l’avez fini (si c’est pas fait : mais qu’attendez-vous ? Et pourquoi lisez-vous encore, petit garnement ?), vous le voyez tout de suite : l’irruption d’ennemis effrayants à la moitié d’un jeu qui semblait jusque-là purement et simplement contemplatif. Ces putains de monstres géants qui vous coursent dans le temple m’auront d’ailleurs collé une véritable sueur froide ! En effet, à ce stade du jeu, aucun mécanisme d’affrontement n’a encore été enseigné au joueur, de manière directe ou indirecte. "C’est quoi ce bordel ? On peut mourir ?!"! On ne sait pas du tout alors comment gérer cette situation, puisque le jeu ne nous l’a jamais enseigné. Alors on court, on panique, on prie. Jusqu’à cette libération aussi géniale qu’inattendue du champ de "force magique", où l’on se sent enfin en sécurité.

Le gameplay de Journey se révèle donc finalement bien moins minimaliste que prévu : lorsque l’on comprend que les éclats de lumière font grandir l’écharpe de notre personnage, impossible de ne pas chercher alors à tous les réunir, la taille de cette écharpe nous permettant d’effectuer des sauts de plus en plus impressionnants, voire de presque voler… Quel trip. Quelle sensation que celle procurée par les glissements dans le vent de cet étrange personnage ! On sent toute l’expérience des développeurs de Flower à travers les déplacements et le gameplay de Journey , et la liberté alors ressentie est pour ainsi dire totale… Et notre avatar de progresser inlassablement vers cette étrange et si lointaine montagne, dans un but encore inconnu…

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Quel rêve se cache donc au bout du chemin ?

Quel talent. Jenova Chen a décidemment un don pour ça, pour raconter des histoires belles, poignantes, sans le moindre besoin de mots. En cela, Journey représente la Némésis absolue d’un jeu comme Final Fantasy XIII, aussi bavard que creux et ennuyeux. Ne serait-ce que dans la manière d’introduire son histoire : dès le début, on sent qu’il se passe quelque chose d’exceptionnel. Lorsque notre personnage, si étrange et stylé, effectue ses premiers pas dans le sable, rien ne nous indique la marche à suivre, ni le but à atteindre. Une étoile filante dans le ciel, qui semble se perdre à l’horizon… On cherche alors à la rattraper, mais c’est trop tard, elle est trop loin. On se retourne alors vers la montagne. Et la fin du jeu, dans une boucle parfaite, de faire écho à cette première expérience et de faire monter instantanément les larmes aux yeux.

Ce pèlerinage, car c’est en un, finit par résonner en nous comme une métaphore de la vie elle-même. Avancer, encore et toujours, sans même véritablement comprendre le but du voyage. Mais avancer quand même. Toujours plus loin. Le voyage nous fait rêver, nous effraie, nous fait pleurer. Il demande son lot d’efforts. Comporte son lot de déceptions. Mais il demeure tel qu’il doit être, et seule la lumière peut en constituer la finalité. A ce titre, le mode multijoueur, au fond, semble entrer en parfaite adéquation avec cela : plusieurs personnages arpentant le même monde, mais incapables de communiquer entre eux ou de se comprendre véritablement, comme si Chen voulait nous dire que l’on ne vit pas les uns avec les autres, mais bien les uns à côtés des autres. Et que chaque voyage est avant tout personnel, unique. Vissé au corps.

Comment définir alors l’émotion ressentie à la fin de ce voyage ? Les mots semblent soudain vains, et la façon de conter de Chen de prendre tout son sens… Peut-on voir ici l’histoire d’une accession à l’immortalité ? Une sorte de montée au paradis new age et japonisante ? La métaphore d’une véritable renaissance, avec ce passage final en forme d’utérus d’où semble provenir toute la lumière du monde ? Peut-être Journey ne représente-t-il rien de tout cela. Ou peut-être tout cela à la fois. Qu'importe... Ce sera au joueur de trancher, de se faire son avis. Jenova Chen nous confie ici les clés d’une histoire qu’il nous demande d’écrire... 

A chacun, donc, de rédiger la sienne.

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